Au sud de l’Italie, dans un championnat national archi-dominé par la Juve, se dresse la seule équipe capable de confronter le mastodonte turinois : le Napoli. Grâce à un beau jeu rarement présent en Europe, des joueurs très impliqués et un excellent coach, les napolitains sont au coude-à-coude avec Turin pour inverser la tendance et espérer remporter la Serie A. Décryptage.
Une créativité offensive qui fait mouche :
C’est de par son beau jeu offensif que se distingue le Napoli. De sa relance jusqu’à son exécution finale de l’action, l’équipe italienne est l’une des plus agréables à regarder. Analyse.
La stratégie des napolitains réside en un mot : le jeu de position. Ce concept tactique vise à constamment créé des espaces exploitables pour des joueurs spécifiques, avec des passes précises et ciblées. Les Partenopei excellent dans ce domaine grâce à un grand travail de leur entraîneur.
La tactique mise en place vise à utiliser des passes/combinaisons courtes et rapides qui ouvrent ces espaces. Depuis la relance du gardien, le collectif donne beaucoup d’importance à la fluidité de son jeu. Les joueurs cherchent constamment à créer des circuits de passes et à empêcher l’adversaire de récupérer grâce à une supériorité numérique. Comment ? Par l’utilisation de triangles de jeu et d’une forte présence de joueurs autour d’une zone étroite :
Cette disposition permet le jeu de position. Se baser sur la création de circuits de passes nombreuses permet en effet de créer des combinaisons rapides pour une progression verticale injouable et un pressing adverse déjoué. Cette façon de jouer incite le rival à venir presser, et c’est au moment où le pressing adverse se déclenche que Napoli choisit d’accélérer le tempo. Démonstration :
Les Partenopei, emmenés par un coach très doué, ont aussi su donner à chacun un rôle varié utile en attaque. Depuis le milieu défensif jusqu’aux postes devant, le SSC Napoli a des joueurs qui excellent pour diriger les transitions déf/attaque et les phases offensives.
Déjà, il y a la sentinelle Jorginho est chargé de trouver rapidement la solution verticale, de préférence un joueur capable de s’orienter vers l’avant sans pression adverse immédiate. C’est donc lui qui déclenche la transition offensive. On peut voir cela à travers ses récentes performances (comme ici face à Man City) :
Pour ce qui est des milieux centraux Hamsik et Allan, leur rôle est tout aussi important. En particulier le premier cité qui est le plus utilisé puisque le côté gauche est le préféré de Napoli (47% des attaques sur ce flanc). Le milieu napolitain est d’une intelligence tactique rare, et Maurizio Sarri le sait car il utilise très bien cet atout. La preuve : sa forte contribution dans la construction d’une action (voir passmap ci-dessous).
Par leurs déplacements ingénieux, les milieux napolitains font progresser le ballon avec rapidité et sûreté. Même face à un bloc médian/bloc bas adverse solide, ils sont capables de se placer de sorte à créer des options dans le build-up très intéressantes. Exemple avec Hamsik qui avec son positionnement entre les lignes "fluidifie" le jeu offensif napolitain et élimine 6 joueurs :
C’est d’ailleurs par cette énorme qualité que se démarque les milieux de l’équipe : exploiter l’espace. En créant des circuits de passes dangereux, ils ouvrent des décalages considérables pour ensuite permettre au Napoli d’étirer le bloc adverse voir de pénétrer la surface. Preuve en est, chaque spectateur du club vous le dira : chaque action dangereuse commence par les milieux.
Les ailiers et latéraux ont évidemment une participation rigoureuse en attaque. Leur mobilité permet au Napoli de faire la différence près de la surface juste avant de finir l’action. Positionnés à l’intérieur du jeu et entre les lignes (entre ligne du milieu et ligne déf), les ailiers cherchent comme les milieux à créer le maximum d’options possibles. L’objectif ici est de combiner à l’intérieur pour pénétrer l’axe et y jouer ou focaliser l’adversaire dans cette zone et libérer des boulevards pour les latéraux (d’où leur forte contribution offensive). Démonstration concrète :
Cette mobilité est si bien synchronisée qu’elle aboutit à une progression verticale spectaculaire en plus d’être agréable à regarder. À elle seule, elle peut étirer ou ouvrir un bloc bas compact et solide (voir vidéo/GIF de Mindfootballness) :
Sarri a, par sa tactique offensive qui allie connexions et fluidité, engendré la création de circuits de passes improbables. Situés d’un côté et de l’autre du terrain, Lorenzo Insigne et José Callejon sont pourtant unis. Une fois le pressing adverse "brisé" et le ballon dans les pieds d’Insigne, celui-ci joue souvent pour l’ailier espagnol. Ce dernier court derrière la ligne défensive dès la réception de ballon d’Insigne et va alors tenter d’apporter la touche finale à l’action (servir le buteur ou tirer) :
Je pourrais également parler plus en détail du reste des joueurs et d’autres mécanismes de l’attaque du Napoli, mais l’essentiel est dit et révèle déjà assez de la gestion de sa structure offensive.
Récupérer le ballon, pas un souci pour le Napoli :
Malgré une implication en attaque incroyable, la défense n’est pas un secteur délaissé par les hommes de Maurizio Sarri. Pour mieux comprendre les mécanismes défensifs du Napoli, j’ai choisi de les découper en trois parties distinctes : relance adverse, perte du ballon et défense médiane/basse. Observations.
Contre la relance courte de l’adversaire, le club s’aligne en 4-4-2 avec un ailier qui prend le poste de n°9 et un milieu du même côté qui prend l’aile. Les objectifs de ce pressing haut et intense sont clairs : pression sur l’adversaire pour le faire craquer et le garder dans son camp. Pour cela, un marquage individuel et agressif (avec fermeture des angles de passes au centre) suffit :
Pour le pressing à la perte napolitain dit counterpressing, les principes sont quasi-similaires.
Counterpressing : Concept de pressing immédiat et haut à la perte du ballon
Les napolitains transitent en 4-4-2 ou restent en 4-5-1 au moment de récupérer le ballon haut. Préférant avancer agressivement pour reprendre la balle plutôt que de reculer, Sarri a opté pour le counterpressing. Pour cela, le pressing à la perte est organisé comme tel :
Comment : Forte présence et pressing agressif dès la perte du ballon => presser de sorte à couper les angles de passes dans l’axe pour l’adversaire
Pourquoi : Reprendre la balle rapidement ou du moins forcer les joueurs adverses à commettre une erreur en réduisant l’espace et le temps pour jouer
Concrètement, ça donne ça :
En défense basse, le comportement des napolitains est très intéressant. Organisés sous un 4-4-2 compact et très resserré dans l’axe, les hommes de Sarri font constamment l’effort d’ajuster leurs placements pour garder la même structure et faire jouer l’adversaire sur les côtés. Résultat : un adversaire qui peine à déjouer le Napoli avec son animation offensive statique (voir vidéo ci-dessous de @nomifooty où l’AS Roma est forcé de jouer sur les côtés face à la bonne défense du Napoli).
On notera tout de même des limites embarrassantes dans ce domaine : la première ligne défensive (2 buteurs) récupère très peu de ballons en bloc bas à cause d’un relâchement inexcusable. Les joueurs derrière sont tout aussi paresseux : contre des équipes au bon jeu de position en championnat le Napoli tend à presser moins agressivement. Et, pour une équipe qui cherche la possession comme elle, c’est un point négatif.
Conclusion :
Si le Napoli tient tête à la Juve en Serie A, c’est tout sauf un hasard. Alternant jeu offensif remarquable et défense solide, les napolitains sont clairement l’équipe à suivre de cette saison et de la saison prochaine.
Comme toute autre équipe, le SSC Napoli a aussi ses limites : on citera principalement sa difficulté dans les transitions défensives à cause d’un counterpressing qui surexpose la défense. Mais rien de grave : avec une profondeur de banc plus grande, le club italien peut sérieusement envisager de dominer l’Italie et pourquoi pas l’Europe…
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