Sans doute sur un piédestal au niveau national où il enchaîne les trophées, le PSG peine tout de même depuis le début du projet qatari à s’imposer en Europe. D’années en années, les défaites se cumulent et les espoirs s’anéantissent pour des parisiens tout sauf renforcés par son expérience européenne. Mais alors, qu’est-ce qui écarte Paris d’un succès en Ligue des Champions ? Qu’est-ce qui la différencie de grands clubs comme le Barça ou le Real ? Enquête.
Avant toute chose, voilà la composition habituelle du Paris Saint-Germain :
Une gestion du club qui laisse à désirer :
Ce n’est pas dans mes habitudes de sortir un peu du domaine tactique , mais pour cet article il faudra bien que je fasse une exception. Si les défauts sont principalement concentrés en l’équipe elle-même, c’est aussi les failles du projet qatari qui expliquent les échecs du club en Europe. Deux aspects sont à noter de ce côté-là : le recrutement et la gestion des joueurs d’avenir.
Parlons d’abord du plan foireux de l’académie parisienne pour préparer son avenir. Après un fonctionnement tardif du centre de formation, le PSG a voulu faire un grand coup : en recrutant Carles Romagosa, le club espérait s’en sortir au futur. Ce cadre espagnol est un pro de la gestion des futurs talents. Il est connu pour sa "méthode Ekkono" qui a révolutionné le domaine. Qu’est-ce que la méthode Ekkono ?
Cette méthode d’entraînement se focalise sur un aspect clé du jeu souvent négligé : la façon dont les joueurs perçoivent le jeu autour d’eux et prennent alors des décisions clés. Alors que les méthodes traditionnelles se focalisent sur les aspects physiques et techniques des joueurs, Carles Romagosa a décidé de se concentrer sur cet aspect qui va permettre de développer l’intelligence de jeu d’un jeune joueur, le rendre capable d’interpréter les dynamiques spatiales, d’anticiper les problèmes qui peuvent survenir sur le terrain et trouver rapidement des solutions. Pour atteindre cet objectif, la méthode Ekkono est basée sur quatre grandes orientations de formation :
- le jeu : conception d’exercices dynamiques, réajustés en permanence et qui respectent les aspects structurels du jeu afin que les joueurs soient capables de traduire le contenu des exercices lors des matches
- la perception : travail sur la compréhension de l’espace, des espaces clés sur le terrain
- les questions : implication du joueur dans le processus d’apprentissage à travers une multitude de questions qui stimulent leur réflexion sur et hors du terrain
- les concepts : compréhension des concepts de jeu et leur application dans une situation réelle
Un plan ambitieux en soi, mais plombé par des mésententes entre certains cadres de l’académie parisienne et notamment de son centre de formation. Ces mésententes empêchent une cohérence au sein de la structure du PSG mise en œuvre pour former des talents sur la longue durée :
Cette mauvaise gestion qui traîne depuis 2011 et le début du projet qatari a des conséquences énormes : départ de très bons jeunes pousses comme Coman en 2014 qui s’est révélé à la Juve, ou encore départ de joueurs prometteurs avant même de signer pro à Paris.
Il est temps de discuter du recrutement de ce club français sur le long terme. Si le PSG ne parvient pas à atteindre les sommets européens, c’est en partie à cause de ses recrues pour la plupart inefficaces. À titre d’exemple, le club tricolore n’est pas parvenu à trouver un bon n°6 depuis des années si ce n’est un Thiago Motta assez bon mais au physique limité par son âge. Le problème persiste, avec un club qui préfère dépenser des sommes énormes pour des stars plutôt que construire une équipe stable et une stratégie cohérente avec l’argent à leur disposition.
Alors qu’Al-Khelaïfi espérait voir les siens aller loin en Europe cette année, son ambition reste plombé par ce poste de n°6 : des joueurs comme Krychowiak ou Lo Celso n’ont pas réussi à convaincre, et l’équipe se retrouve avec Diarra probablement trop âgé pour le haut niveau. Les bons joueurs font la bonne équipe, et c’est pourquoi le PSG devra faire un recrutement plus poussé et plus ingénieux pour espérer s’en sortir à l’échelle continentale.
Des failles intolérables dans le jeu :
Si Paris est tout sauf un modèle dans la gestion interclub, c’est aussi et surtout ses défauts qui relèvent du jeu qui l’écartent d’une possible victoire en Ligue des Champions. Des erreurs, faites soit par les joueurs ou par l’entraîneur lui-même, qui doivent être fixées à l’avenir. Analyse.
La défense est le principal point faible du club français et cela se remarque surtout face aux grosses écuries européennes : les parisiens ont du mal tant dans la transition défensive que la phase défensive.
La structure défensive, lors de la transition et même après, est souvent très mal mise en œuvre. Censés défendre en 4-5-1, les hommes d’Emery sont souvent mal placés et ce à cause d’un manque considérable de contribution défensive du trio offensif Mbappé-Cavani-Neymar. Même si ce manque est souvent en partie masqué lors des confrontations européennes importantes, il existe bel et bien et persiste malgré les années sans pour autant savoir si c’est un choix du coach ou un automatisme de la MCN. Pour exemple, ce même trio avait face à l’OM fait 3 interventions défensives contre 20 pour le quatuor offensif marseillais. Juste ça…
Mais les problèmes défensifs de cette équipe ne se résument pas à une paresse de 3 joueurs offensifs. Une défense solide nécessite souvent une agressivité et une volonté acharnée dans les duels de la part de ses joueurs et notamment des milieux, et on peut franchement dire que ce n’est pas le cas du PSG. Même les milieux, dont le rôle est (mis à part le domaine offensif) de garantir la stabilité de l’équipe en cas d’attaque ennemie, sont trop fragiles ou pas assez dominants : Rabiot a subi la dureté madrilène avec fréquemment un nombre doublement inférieur de tacles et d’interceptions et de duels aériens remportés que les milieux du Real et notamment le féroce Casemiro.
Pour rappel, voici les stats collectives de la phase aller du choc Real-PSG qui montrent ce manque d’implication défensif et manque d’agressivité :
Real Madrid vs PSG
17 TIRS 12
67% DUELS AÉRIENS VAINCUS 33%
7 DRIBBLES REMPORTÉS 24
30 TACLES 16
50% POSSESSION 50%
Vous direz sûrement qu’être agressif dans les duels ne garantit pas une défense solide. Eh bien, sans doute, mais elle garantit à la solidifier et c’est incontestable. Pour revenir à la confrontation RMA-PSG, Zidane a privilégié l’agressivité et le savoir-faire défensif de son équipe en titularisant Casemiro et Kovacic au lieu de laisser faire la créativité offensive de son équipe : une preuve de plus que défendre revient souvent à utiliser son physique et sa bonne volonté.
Pour finir sur la défense, un dernier défaut majeur est à souligner : la fragilité du PSG sur les côtés. J’avais déjà évoqué l’insuffisance de la MCN au niveau de la contribution défensive, ce qui gênait déjà la sécurité de l’équipe sur les ailes, mais il faut aussi dénoncer les latéraux qui répondent rarement présents derrière. Pour une raison simple, puisque Emery les force à jouer haut lorsque le PSG a le ballon d’où cette structure lors de la possession :
Dispositif offensif du PSG qui laisse des espaces derrière le dos des latéraux
Ce positionnement porté vers l’attaque nuit à la défense parisienne lorsque l’adversaire joue sur les côtés, d’où l’impuissance de Paris sur les transitions rapides. Ce n’est donc pas un hasard si à l’aller, le PSG encaisse 3 buts sur les ailes face à l’explosivité des madrilènes :
À présent, parlons des défauts du Paris Saint-Germain en attaque et plus précisément sur les phases de possession et phases offensives. Ce qu’il faut savoir d’emblée, c’est que Emery compte beaucoup trop sur son trio offensif de la MCN au point de faire tourner son attaque autour de cette "sphère d’influence". Mais un problème gêne les parisiens au niveau de ce trio : celui-ci est certes doté d’un énorme potentiel mais il demeure concrètement limité.
Comme j’en avais discuté dans mon précédent portrait de Kylian Mbappé, ce dernier privilégie le jeu avec Dani Alves et Neymar au point d’en oublier Edinson Cavani. Mais il faut aussi dire que les ailiers intérieurs du club que sont « Donatello » et « Ney » demeurent individualistes quel que soit le match comme en témoigne l’occasion manquée de Mbappé contre le Real qui aurait pu finir dans les filets avec l’aide du buteur uruguayen.
En parlant de Cavani qui est une partie intégrante de la MCN, il est sensé comme le montre le dispositif offensif du PSG précédemment exposé joué le rôle de faux 9 pour permettre de jouer vers les deux ailiers plus haut. Sauf que voilà, Edinson n’est pas le genre de buteur à contribuer assez pour faire progresser son équipe verticalement sur le terrain. Sûrement compte-t-il trop sur la puissance et la verticalité des deux ailiers pour rester haut et attendre le ballon…
Alors même que la MCN présente tous ces inconvénients, l’entraîneur et même les joueurs du PSG ne tentent même pas de trouver des alternatives dans la création d’occasions de but. Résultat, une attaque qui repose trop sur le trio tel que le révèle ce besoin de largeur de Verratti et Lo Celso sur la passmap du match aller contre le Real.
Ce défaut s’explique aussi par l’absence de solution à l’intérieur du jeu à cause de percussions verticales insuffisantes des milieux et d’un n°9 trop isolé du jeu intérieur : Chroniques Tactiques en parle très bien dans son analyse tactique du match aller RMA-PSG. On en revient au problème du recrutement, avec le besoin d’un milieu porté vers l’offensif capable de se projeter assez rapidement pour suivre les fulgurances de Mbappé et de Neymar.
En somme, des petits détails dans le jeu et principalement issus du domaine tactique qui assomment Paris au moment où celle-ci souhaite s’imposer comme cador européen. Mais nul doute que, si ces défauts sont fixés par le coach, les déboires du PSG en Ligue des Champions ne seront plus si persistants…
Conclusion :
Les défauts sont nombreux et les échecs retentissants pour les parisiens, mais le mastodonte français n’a aucune raison de se décourager. L’an prochain, un succès peut même être envisagé à condition qu’Unai Emery et ses supérieurs soient en mesure de réparer les failles qu’ils ont causées de leurs propres mains.
L’attente est en effet de plus en plus longue pour les supporters parisiens qui sont en droit de réclamer la coupe aux grandes oreilles ou du moins les phases finales de LDC : les millions d’euros dépensés et le début du projet en 2011 sont des arguments solides pour les fans pour se révolter. Alors, la question demeure pour le PSG : le cumul de défaites européennes sera-t-il toujours d’actualité en 2019, ou bien va-t-il véritablement le faire ? Suspense…
Dédicaces : Je tiens à remercier fortement tous les supporters parisiens/supporters de la culture foot qui, sans eux, l'analyse n'aurait pas vu le jour. Vous avez tous joué un rôle important (direct ou indirect) et cette article vous revient autant qu'il me revient. En espérant, comme toujours, que ce ne sera pas la dernière fois !
- TonyBSN
- JC99
- LeProf
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