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Photo du rédacteurEl Táctico

ALLEMAGNE 1-1 ESPAGNE : L'ANTISÈCHE TACTIQUE

Dernière mise à jour : 24 mars 2019

Ne vous fiez pas au score : le match opposant l’Allemagne et l’Espagne est de loin la meilleure rencontre de cette trêve internationale. Avec une prestation collective spectaculaire des deux côtés, la confrontation a été à la hauteur avec des équipes qui ont montré un style de jeu très convaincant en vue du Mondial prochain. Analyse.

Les compositions :


Le contexte (un match amical sans enjeux) n’a pas découragé les équipes au coup d’envoi : d’emblée, on retrouve les meilleurs joueurs nationaux de chaque sélection sur le terrain.

Pour l’Allemagne la présence des meilleurs joueurs est garantie par la titularisation de Kroos, Draxler et compagnie. Aucun élément notable à signaler mis à part Timo Werner qui semble incarner l’avenir de la Mannschaft en pointe après le légendaire Miroslav Klose.

L’Espagne sort elle aussi l’artillerie lourde. Entre le métronome de l’équipe Iniesta, le très bon Isco et la charnière centrale excellente, la Roja est en tout cas prêt à affronter son rival allemand sur le papier. Tout comme Werner, Rodrigo est la surprise de la sélection dans ce match avec une présence inattendue vue le retour de Diego Costa.

Une entame de match révélatrice :


Le début de match annonce la couleur : la rencontre est ouverte entre deux équipes qui cherchent à créer du beau jeu. En somme, deux équipes qui font circuler le ballon de manière fluide et qui font recours à des basiques du jeu de position :

- faire dézoner l’adversaire

- rechercher le 3ème homme par des passes pour créer et exploiter des espaces

- renverser le côté ou bien revenir vers l’arrière lorsqu’il n’y a pas de solution


Petit exemple avec l’Allemagne en tout début de match qui en faisant sortir le latéral de sa zone par le biais d’un joueur entre les lignes adverses a donné de l’espace à son 3ème homme puis celui-ci a pas pu jouer vers l’avant et est donc revenu depuis la base de la construction :

Les Allemands cherchent à s’appuyer sur les faiblesses défensives espagnoles et notamment sur la mauvaise gestion de la profondeur par la Roja et leur structure défensive facilement déstabilisée par moments. Malgré une excellente utilisation du ballon que j’évoquerais plus tard, le bloc défensif hispanique tend à s’étirer rapidement et donne donc des opportunités jouables pour l’adversaire d’exploiter des espaces (voir images ci-dessous).

















Les hommes de Joachin Löw pressent haut, à plusieurs et de manière organisée pour empêcher Espagne de ressortir le ballon proprement et à jouer long. Face à la sortie en double pivot de l’adversaire, la Mannschaft répond présent avec pas moins de 7 joueurs dans la surface adverse. En plus de bloquer la supériorité numérique à la relance des espagnols, l’Allemagne verrouille aussi le double pivot pour forcer les visiteurs à jouer long.

Les germains sont disposés en 4-2-3-1 pour jouer vers l’avant et s’appuient sur un rectangle défense centrale/milieux centraux pour relancer. Mais ils peinent parfois à faire circuler le ballon comme voulu : face à la pression adverse, la Mannschaft n’est pas à l’aise balle au pied et sa circulation du ballon est bien moins maîtrisée que l’adversaire. En effet, s’il y a bien une équipe qui a su tourner le ballon, c’est bien celle de Lopetegui.


Même lorsque gêné dans sa relance, l’Espagne peut s’en sortir avec un double pivot : preuve en est, le duo Koke/Alcantara ont permis à la Roja de relancer en cassant le pressing adverse. Si l’Allemagne a constamment cherché à réagir en harcelant ce double pivot, Isco (ou un autre) descendait pour apporter une supériorité à la relance.

Toujours un homme libre à la relance malgré les efforts allemands


La phase de jeu ci-dessous permet de comprendre le jeu de possession espagnol, avec :

- une sortie de balle en double pivot Koke/Alcantara

- des triangles de jeu omniprésents sur les ailes pour une circulation fluide du ballon

- Silva et Isco comme fer de lance de la progression verticale chacun de leur côté avec une liberté dans le positionnement lors des offensives qui leur permettent d’exprimer leur créativité et de menacer la défense adverse

- une Allemagne poussée à se focaliser sur un côté/une zone pour renverser de l’autre aile ou de l’autre zone via des combinaisons rapides et une projection verticale un peu plus accélérée

- une disponibilité constante des espagnols par le biais de mouvements, avec dans la vidéo Piqué qui cherche Iniesta et le trouvera grâce à l’ouverture d’une ligne de passe d’un autre joueur qui remet ensuite au barcelonais (recherche du 3ème homme, un basique du jeu de position en soi)

La Roja force aussi les locaux à défendre l’axe avec 3 joueurs entre les intervalles de leur ligne défensive ou en combinant dans l’axe, pour libérer les côtés qui seront ensuite exploités par les latéraux. Les heatmaps de Carvajal et Alba, disponibles ci-dessous, montrent la volonté de ces derniers d’être une solution pour leurs partenaires dans la progression verticale de l’équipe.

Comme je disais précédemment, les Allemands peinent parfois à faire circuler le ballon comme voulu. Face à la pression adverse, la Mannschaft n’est pas à l’aise balle au pied et cette faiblesse va les punir avec un premier but issu d’une touche elle-même provenant d’une perte de balle de l’Allemagne après une tentative de relance ruinée par la mauvaise passe de Kimmich et une belle passe en profondeur d’Iniesta pour Rodrigo. Après seulement 6 minutes de jeu, les hommes de Julen Lopetegui mènent déjà par un but d’écart.


Après le but, le déclic :


Malgré une entame de match ternie par le but de Rodrigo, les locaux ne lâchent rien : l’envie de jouer court et proprement vers l’avant demeure. Ce but est un déclic pour eux, et ils se font de plus en plus présent dans la surface adverse à l’image de Mats Hummels qui n’hésite pas à monter pour être une solution de plus offensivement. Les visiteurs quant à eux répondent avec une défense compacte et une contribution défensive conséquente de la part de chacun.


Les Allemands multiplient les attaques côté gauche, où Özil se joint à Draxler et Hector pour former des triangles de jeu et faire jouer l’ailier dans la profondeur. Ils restent d’ailleurs très prévisibles au fil du match avec une armada offensive trop portée sur cette aile gauche, au point où 52% des attaques de la Mannschaft se font dans cette zone contre 22% pour le côté opposé sur l’ensemble du match. Autre preuve de ce constat, la heatmap d’Özil qui montre très clairement sa préférence pour ce côté malgré sa position de milieu offensif central :

La Mannschaft se montre aussi comme plus dangereuse avec des duels aériens fréquemment remportés (55% au total contre 45% pour l’adversaire) et une alternance entre combinaisons courtes et passes longues depuis l’arrière pour élargir le bloc défensif rival. Les efforts allemands payent avec un but de Muller suite à une récupération haute et à un mouvement perpétuel des germaniques pour faire tourner le ballon malgré une défense espagnole bien regroupée.


À la mi-temps, un score de parité sépare les deux équipes, et c’est un match ouvert mais aussi tactiquement enrichissant qui est offert par les hommes de Lopetegui et ceux de Löw.


Une deuxième période tout aussi ouverte :


Une fois retournée sur le terrain, l’Allemagne est remontée : le pressing haut s’intensifie et l’on choisit les transitions rapides à l’attaque placée. Mais l’adversaire aussi n’est pas relâché : un bloc haut d’au moins 7 joueurs cherche à bloquer la relance courte, et monopoliser le ballon devient une obligation pour la Roja :

Lorsque les 5 premières minutes de la seconde période sont dépassées, le rythme retombe progressivement et le jeu de passes lent et peu intense des deux équipes revient. A l’image de la première mi-temps, les équipes jouent de manière quasi-similaire mais leur double pivot change la face du match : tandis que les Allemands sont condamnés à subir une paire Khedira-Kroos trop isolé du jeu et un trio Müller-Özil-Draxler pas assez actif, l’adversaire brille par son collectif. Le double pivot est présent pour emmener le ballon verticalement après la relance ou pour aider à ressortir depuis l’arrière, tandis que Isco-Iniesta-Silva jouent les électrons libres sur le terrain pour ouvrir des espaces et créer des décalages.


Chaque équipe espère prendre le dessus peu après l’entame de la 2nde MT. Löw prend l’initiative de remplacer l’inefficace Khedira par le citizen Ilkay Gündogan pour prendre l’ascendant au milieu de terrain. La sélection nationale germanique se réveille, et ses passes sont plus réfléchis et plus portés vers l’avant que d’habitude. Du côté hispanique, on cherche aussi les combinaisons et les attaques placées mais aussi les occasions de but avec une tendance à se projeter plus vite vers l’avant pour tirer dans la surface rapidement et lorsque possible (54ème min, 56ème…).


Les contre-attaques allemandes sont de plus en plus menaçantes, et la présence de Gündogan est bien là pour hisser l’équipe vers le sommet. Les chances sont des deux côtés, et la balle traîné de camp en camp et de surface en surface. Lopetegui abat aussi ses cartes, avec l’entrée d’Asensio à la place d’un excellent et fougueux Isco Alarcón. L’Espagne, alors rafraîchie par ses remplacements, monopolise le ballon comme voulu et applique ses principes de jeu de position déjà évoqués. Mais, avec des joueurs entre les lignes et l’exploitation de la profondeur, l’Allemagne reste tout de même dangereuse :

Tout ce qui suit est un enchaînement d’occasions de but des deux côtés, avec un match serré du début à la fin. La Roja s’est tout de même démarqué, avec un double pivot qui a su s’imposer au milieu pour relancer ou pour faire jouer le trio disposé juste devant. Chose que n’a pas su faire la Mannschaft, mis à part après l’entrée en jeu de Gündogan qui aura été assez bénéfique pour les milieux centraux mais sans plus.


Conclusion :


En définitive, ce match nous permet de voir que les deux équipes sont déjà prêtes pour la Coupe du Monde. Le collectif a distingué les sélections nationales confrontées, et nul ne doute que si les hommes de Löw et Lopetegui poursuivent sur cette lancée et cette performance, on pourrait bien retrouver les deux entraîneurs en finale.


La France, pendant ce temps, reste dans une position délicate après une défaite sans enjeu mais inquiétante contre la Colombie.

Didier Deschamps, incapable d’imposer une identité de jeu claire à l’EdF et inapte à battre la Colombie à cause d’un plan de jeu flou qui se repose sur des individualités, devrait s'inspirer de ce match…

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